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06 Aug

Coup de massue au Museu Rondon

Publié par Jean  - Catégories :  #aventure

Localisé sur le campus de l'Université Fédérale du Mato Grosso, le Museu Rondon présente les diverses cultures indigènes amazoniennes de la région au travers d'objets; armes, parures et poteries récupérés dans les nombreuses tribus qui jadis occupaient le centre du continent sud-américain.

Beaucoup de pièces proviennent des missions de contact avec les derniers groupes indigènes.

En 1972, le pays ouvre ses premières routes transamazoniennes. L'une d'elles doit relier Cuiaba à Santarem sur le bord du fleuve Amazone. Dans la Serra do Cachimbo, un groupe d'indiens géants inconnus, les Krenakaroré sont découverts sur le tracé de la route. Une expédition commandée par les deux célèbres sertanistes Orlando et Claudio Vilas-Boas se prépare pour tenter un contact avec cette tribu. J'accompagne un cameraman de la TV locale qui interviewer Orlando Vilas-Boas dans la jungle. Nous avons rendez-vous sur une piste que notre pilote a eu beaucoup de mal à localiser et sur laquelle notre petit avion se pose roue bloquées pour ne pas se planter dans la forêt. Durant les quelques instants que nous passons avec le sertanista, une forte pluie détrempe la piste. Au moment de retourner, le pilote refuse de décoller avec deux passagers. Je suis débarqué au beau milieu de la jungle quelque part sur la berge du Rio Peixoto de Azevedo et je n'ai pas d'autre choix que de me joindre à l'expédition des frères Vilas-Boas.

Museu Rondon 2Je m'en souviens encore comme si c'était hier. Au passage des cascades il fallait abattre de nouveaux arbres et construire de nouvelles pirogues. Leur poids ne nous permettait pas de leur faire franchir des rapides. Puis nous avons construit un campement. Il y eu cette interminable attente, Les crises de malaria, les phases d'approche et enfin le contact tout en délicatesse et méfiance. Bref, vînt enfin le jour du retour vers notre civilisation. Lorsque ce fut mon tour, J'étais le seul à retourner à Cuiaba, les autres membres de l'équipe prenaient d'autres destinations, Orlando se tourna vers moi et me confia un énorme fagot ligoté par une liane, destiné au Musée Rondon qui venait de s'ouvrir à l'Université Fédérale du Mato Grosso à Cuiaba. Il avait soigneusement sélectionné des arcs, des flèches et des massues récupérés au cours de notre expédition. Un petit avion entoîlé de l'armée brésilenne était venu me récupérr. L'espace à bord était des plus exigü, juste prévu pour le pilote à l'avant et un passager à l'arrière. J'eu beaucoup de mal à m'installer

 

Museu Rondon 1

dans cet appareil avec mon ballot de flèches et de massues aussi grandes que moi, mais j'accomplis ma mission avec fierté. J'avais déjà rapporté quelques pièces d'une expédition précédente avec les indiens  Beiço de Pau , des indiens avec la lèvre inférieure étirée par un plateau de bois.

En visitant le Musée Rondon le 2 Août dernier j'y rencontre Merireu, un ami indigéniste qui y travaille bénévolement. C'est la semaine de l'Indien et je suis venu assister à la projection d'un film. Nous échangeons divers points de vue et parlons de nos expériences respectives. Au cours de la conversation, je lui demande où sont les objets que j'avais rapportés. Aussitôt, il m'ouvre les réserves du Musée et quelle ne fût pas ma surprise de revoir les énormes massues et les arcs que j'avais eus tant de mal à faire rentrer dans ce petit avion.

En revoyant ces objets que j'avais déposés ici 38 ans plus tôt, je revivais le film de cette extraordinaire aventure.

Merci Merireu, en m'ouvrant la salle des réserves du Musée où trônent tants de trésors qui paraissent venir d'un autre monde, je mesure combien ces objets qui cinquante ans plus tôt faisaient partie de la vie et de la culture vive des indiens s'amassent aujourd'hui tels des vestiges issus de fouilles archéologiques. Ils sont là alignés sur des étagères témoins de la disparition brutale des peuples auxquels ils avaient appartenus. Les massues des Krenakarorés désormais sans vie en étaient un exemple. Mais ces massues là, j'avais eu le privilège de les voir brandies par ces géants de la forêt, j'avais encore en mémoire leur odeur lorsqu'ils nous les avaient tendues d'une main hésitante ou lorsque après une tentative d'attaque avortée, nous les avions ramassées sur la piste d'envol. Ces massues, ces arcs et leurs terribles flèches crantées, nous ne sommes plus que quelques-uns à pouvoir raconter leur histoire et je suis de ceux là. Mais leur histoire avait déjà basculé dans le passé...

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O
<br /> Je viens de lire d'une traite tes récits de la fin mai et tous les suivants, ceux du mois du juillet,jusqu'à celui d'hier. Quel plaisir et quel bonheur! Je retrouve le même allant, la même énergie,<br /> la même écriture vive et vraie qu'il m'a déjà été donné de connaître. Je suis ravie que tu aies retrouvé maints sites découverts il y a tant d'années. Merci pour cet entr'acte délicieux.<br /> Félicitations, bonne continuation pour tout.<br /> <br /> <br />
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À propos

Jean Périé. Diplômé de Préhistoire à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes. Une vie sur la piste des grottes ornées d'Amazonie, au Mato Grosso,(Brésil). Un inventaire des paysages et de l'Art rupestre témoins d'une occupation vieille de plus de 20 000 ans.