Retour à la "Caverna da Onça"
Quitter Guiratinga et tous les amis que j’ai dans ce village n’a pas été facile, l’endroit est si beau et surprenant que j’y passerais volontiers le reste de ma vie, mais d’autres régions m’attendent. J’ai pris du retard sur mon programme.
Ma nouvelle destination est la Serra da Petrovina. Pas un véritable village, mais un poste de ravitaillement de camions sur la route entre Cuiabá et Alto Araguaia. Des millions de tonnes de soja et de coton transitent par cette route. Je n’ai pas d’autre option que de passer une nuit dans cette station. Des camions gigantesques se croisent sans cesse dans un perpétuel bruit de moteur sur fond de coucher de soleil. Plus de 800 camions vont passer la nuit là, tandis que des milliers d’autres ne feront que passer.
La Serra da Petrovina est un plateau tabulaire d’une platitude déconcertante totalement déboisé et sur lequel on cultive à perte de vue du soja et du coton. La bordure du plateau offre fort heureusement un paysage enchanteur qui contraste violemment. Je longe la bordure pour m’enivrer de son panorama dont chaque relief en vagues successives forme des horizons qui se déploient jusque dans le lointain en se fondant dans des tons bleutés. J’ai du mal à remonter sur ce plateau rendu monotone par les champs de soja, sans le moindre relief pour attirer mon regard, mis à part les avions qui en rase-motte traitent les cultures. Là-haut, le vert du soja et le bleu du ciel se partagent l’espace, il n y a rien d’autre à voir dans aucune direction pour satisfaire ma curiosité, pas la moindre bosse sur l’horizon, un plateau sans fin qui me donne le vertige.
Heureusement, une bonne nouvelle m’attend, Luis de Dom Aquino m’annonce par téléphone que nous avons l’autorisation de pénétrer dans la fazenda où se localise la Caverna da Onça. Je n’ai plus rien à faire dans ce « posto de gasolina » et je file sur Dom Aquino à 200 kilomètres plus au Nord.
C’est la troisième fois que je retourne sur La Caverna da Onça (grotte du jaguar), mais c’est à chaque fois le même casse-tête pour y accéder. Les pistes de ferme changent, il faut se mettre d’accord au préalable avec le fazendeiro (propriétaire de la ferme) les aires déboisées sont abandonnées et tous les points de repères ne servent plus à rien. Autrefois je ne disposais pas de GPS.
Le propriétaire actuel à laissé la végétation repousser, il faut batailler. Luis et José m’accompagnent. José en tête a heurté un essaim d’abeilles camouflé sous le feuillage. C’est la débandade pour échapper aux piqûres. L’équipe se reforme. Nous suivons le sillon que les animaux utilisent pour se déplacer. Des loups et des tapirs l’on emprunté récemment. La plus grande crainte, des serpents impossibles à repérer et des jaguars qui se réfugient dans ces derniers espaces de forêt. Heureusement, le bruit que nous faisons volontairement les oblige à fuir à notre approche et les tient à l’écart. Reste à franchir un petit ruisseau. La falaise est devant nous à quelques centaines de mètres. Les perroquets et les aras qui colonisent les nombreux trous dans la paroi s’agitent et poussent des cris qui couvrent nos voix. Encore une pente à gravir et nous entrons sans même nous en rendre compte dans un gigantesque abri. En réalité, la caverne se limite à un immense porche en forme d’entonnoir. Un petit ruisseau d’eau cristalline naît du fond de la caverne, la longe sur sa gauche et s’échappe dans la vallée en formant un petit torrent. Au-dessus du ruisseau, des gravures représentent des personnages. L’autre paroi et une dalle couchée sur le sol portent elles aussi des marques de gravures. Il ne fait aucun doute qu’à une époque très ancienne la caverne fut occupée.
Nous passons plus d’une heure dans la Caverna da Onça , mais au fur et à mesure que la journée avance, la chaleur augmente, insupportable. Les insectes sont de plus en plus agressifs. Je propose à Luis et José de leur montrer le site de Perdida, abri de peintures à 80 kilomètres plus à l’Ouest. Ils ne le connaissent pas et c’est pour moi l’occasion de le revoir, son accès est facile.
Nous arrivons dans la vallée de Perdida vers les 16 heures, le ciel s’est considérablement assombri tout autour. Un orage menace, mais nous empruntons le sentier qui conduit à l’abri au pas de charge. Vingt minutes de marche soutenue sous des coups de tonnerre et les premières gouttes de pluie alarmantes, mais, dans la trouée du sentier, je distingue nettement le panneau principal des peintures. Un personnage vue de face encadré d’un cervidé et d’un oiseau perché sur une branche. Je prends mon temps pour repérer tous les motifs. Certains motifs s’effacent avec le temps, d’autres sont recouverts par des termitières. C’est un des plus beaux abris ornés de peintures parmi tous ceux que j’ai découverts.
Le revoir me comble de joie.