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28 Oct

Rumo as Parnaíbas... un paysage sans fin

Publié par Jean  - Catégories :  #aventure

Dom Aquino est un petit village paisible avec ses rues presque désertes où se croisent cavaliers et voitures. Il y fait chaud comme partout dans le pays. Le matin aux heures les plus fraîches de la journée, les perroquets volent en couples d’arbre en arbre. Ici le temps ne représente pas grand-chose et il faut s’y adapter. Tout le monde a remarqué ma présence dans le village. J’y viens régulièrement depuis si longtemps qu’elle n’étonne plus personne, au contraire on vient vers moi, on me questionne sur Paris et petit à petit les contacts reprennent.

Cette semaine j’ai plusieurs objectifs : retourner à la Caverna da Onça et poursuivre le travail de photographies dans la Serra das Parnaibas. Luis le photographe du village avec lequel j’ai l’habitude de partir en brousse m’attendait. Reste à trouver une voiture. José, ingénieur agronome qui loge dans le même hôtel que moi est partant pour nous accompagner. Pas d’hésitation.


Le lendemain matin, petit contretemps, Luis doit faire des photos aériennes du village. Un ULM est venu d’une ville plus au Sud pour ce service. Ses prises de vues terminées, j’en profite pour effectuer un petit vol de reconnaissance. C’est le moyen le plus sûr pour photographier les reliefs et je reste en contact avec Mauro le pilote pour de futurs vols panoramiques.

Du côté de la Caverna da Onça, pas d’avancée, le secteur reste trop sensible. Avec le déboisement des plateaux et de la plaine, les régions de reliefs intermédiaires, seuls refuges pour les animaux, ont vu la population de jaguars augmenter. Le danger est réel.

Je dois attendre de meilleures conditions. La région de la Serra das Parnaïbas reste une aire de repli pleine d’intérêt et d’une rare beauté. Son accès toujours compliqué la garde intacte. Partons pour une virée dans ce secteur.

Dès les premiers kilomètres de piste, le ton est donné ; il faut ouvrir des barrières qui donnent accès à des pistes de fermes. Barrières qui empêchent le bétail de fuir. Le temps est pesant, il a plu la nuit dernière et des nuages s’amoncèlent sur l’horizon. L’orage peut nous surprendre à tout instant. Parfois la latérite rouge de la piste se transforme en gigantesques sablières que José notre pilote essaye de négocier au mieux. La voiture part en travers, zigzague, surfe sur le sable fin… et soudain elle se plante et reste là couchée sur une litière de sable. Vite il faut trouver du bois mort pour creuser, dégager, chausser les roues de branches. Ici pas un caillou à disposition. La manœuvre nécessite plusieurs tentatives, mais on finit par s’échapper avec un grand ouf de soulagement. Au fur et à mesure que nous avalons la piste, le paysage se dégage somptueux, enchanteur, posé sur un lit de palmiers au premier plan. Je ne me lasse pas de revenir dans la Serra das Parnaibas, on la découvre toujours sous un nouvel angle et je m’enivre à la contempler. Brutalement, la piste plonge dans la vallée, vire à droite, à gauche, se tortille puis débouche sur un nouveau panorama. On abandonne la voiture pour trouver de nouveaux points de vue. La marche est épuisante sous un soleil qui nous cuit, mais quelle importance devant un tel paysage. On longe l’arrête d’une falaise au bord d’un précipice de plusieurs centaines de mètres. Les abeilles et les moustiques ne nous font pas encore trop souffrir. Parfois il faut rentrer dans un sous-bois plus épais et aborder une pente plus raide. Soudain Luis et José découvrent des arbres à cajous sauvages. Quelle chance. On grimpe dans les arbres et on les secoue. Les cajous déjà bien murs tombent à terre et c’est la razzia. Avant de sucer le fruit il faut
prendre bien soin de retirer la noix qui se trouve à l’extrémité à l’extérieur. La noix ne peut se manger que grillée. Le fruit de couleur rouge est gorgé de jus chargé en vitamines. C’est un délice et n’ayant rien avalé depuis le matin, cette trouvaille tombe à pic.

Nous avons déjà pas mal avancé, nous sommes dans la vallée cernés par des reliefs qui forment un labyrinthe compliqué à démêler. Nous atteignons le rio das Pombas, une rivière diamantifère qui fut jadis prospectée. Aujourd’hui, le Senhor Silvano est le seul gardien des lieux. C’est un ancien garimpeiro, un chercheur de diamants. Seul, isolé dans ce monde minéral, nous le surprenons assis devant sa maison de torchis au toit de palme. La conversation s’engage et le Senhor Silvano tient à nous montrer une caverne ; Malgré la fatigue, le mot « caverne » stimule nos jambes. Nous voilà repartis. Hélas ! La fin de journée nous empêche de l’explorer.  Mais dans la conversation, Silvano nous indique une deuxième caverne qui comporterait des gravures rupestres. Raison de plus pour programmer une nouvelle mission dans la région.

Maintenant, à la tombée de la nuit, reste à faire le chemin inverse, retrouver la voiture, avaler à nouveau des dizaines de kilomètres de pistes, franchir la portion sablonneuse coûte que coûte sans se faire piéger avant la pluie. Sous un déluge d’eau, la sablière devient un bourbier. Ca y est nous y sommes. José l’aborde, le pied au plancher. La voiture patine, se trémousse, projette du sable de tous les côtés, avance en crabe. José ne lâche rien, les deux mains soudées au volant, la sueur ruisselant sur ses tempes. L’orage gronde, la pluie nous rattrape, mais nous sortons de l’enfer.

Dans la voiture l’atmosphère est à la détente, on ressasse les bons moments de la journée et ainsi va la vie dans la Serra das Parnaïbas.

 

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A
<br /> C'est super ce que vous faites Jean et Chantal, je pense bien à vous !<br /> Les paysages sont grandioses, la terre est vraiment belle !<br /> De mon côté j'ai mis en ligne quelques photos extraites de notre rencontre avec les Mossos, à l'occasion d'un documentaire qui vient de passer sur la 5, justement consacré à cette ethnie . Le<br /> Yunnan est d'ailleurs à l'honneur ces temps-ci sur les chaines des télés puisque Arte y a consacré 1h tous les soirs depuis lundi dernier ...<br /> - à quand la même chose sur le Mato Grosso ? ... Alors en attendant on compte sur vos articles et vidéos !<br /> Grosses bises,<br /> Alain MARC<br /> <br /> <br />
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À propos

Jean Périé. Diplômé de Préhistoire à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes. Une vie sur la piste des grottes ornées d'Amazonie, au Mato Grosso,(Brésil). Un inventaire des paysages et de l'Art rupestre témoins d'une occupation vieille de plus de 20 000 ans.